Construction: l’approche hors-site à la loupe
Dans le cadre du projet européen Greater Green+, Luxinnovation anime un workshop d’idéation dédié à ce mode de construction dans la Grande région. Des pistes plus concrètes seront étudiées le 10 décembre.
Jean-Michel Gaudron
Au vu des contraintes de plus en plus lourdes pesant sur les chantiers du secteur de la construction et des défis de plus en plus complexes à relever, l’approche dite «hors-site», c’est-à-dire la préfabrication d’éléments dans un atelier ou une usine avant leur assemblage sur le terrain, commence à faire son chemin dans plusieurs pays européens.
En combinant efficacité, rapidité et qualité, cette approche est susceptible d’offrir une alternative intéressante aux méthodes classiques de construction, en permettant notamment de réduire de manière très substantielle les délais de construction.
Sur le papier, les arguments plaidant en faveur du «hors site»: réduction des déchets, meilleure gestion des matériaux, optimisation des transports, empreinte carbone réduite… Dans un contexte général de transition énergétique et de normes renforcées, cette dimension “durabilité” constitue un argument de taille.
Pour booster la filière hors site, il faudra revoir l’organisation des projets de construction de manière générale. Caroline Holz, Luxinnovation
Parallèlement, un tel mode de construction permet de réduire les coûts globaux (matériaux, main-d’œuvre, gestion) tout en augmentant la qualité, grâce à un environnement contrôlé en usine et des standards de fabrication. Le tout dans un environnement plus sécurisé et insensible aux problématiques météorologiques.
Des traditions à bousculer
Reste que dans un secteur de la construction encore fortement ancré dans des processus traditionnels, parfois ancestraux, ce changement de paradigme et cette orientation vers une démarche plus industrielle (standardisation, process, modularité...) peine à se faire une place à la lumière.
«Pour booster la filière hors site, il faudra revoir l’organisation des projets de construction de manière générale», confirme Caroline Holz, Project Engineer chez Luxinnovation. « Rien que pour les appels d’offre: la structure du cahier des charges est telle que bien souvent, les opérateurs hors site ne peuvent même pas se soumissionner. Il existe pourtant de belles solutions qui apportent de vrais avantages aux problématiques de la construction aujourd’hui, mais encore faut-il leur laisser de la place d'être force de proposition.»
C’est exactement sur ces thématiques que s’est penchée la douzaine de professionnels participants au workshop d’idéation dédié au hors-site dans la Grande Région, organisé à la mi-novembre dans le cadre de l’événement «BIMLUX & Construction durable pour les villes résilientes». Cet atelier, animé par Luxinnovation et le consultant Pétillances, s’est inscrit dans le cadre des activités du projet européen Greater Green+(1), , porté par le soutien de la Commission européenne au travers du programme Interreg Grande Région 2021-2027, et qui a pour ambition de faire de la Grande Région un territoire leader de la transition écologique au service de l’économie circulaire et du développement durable.
«Les échanges ont permis de débattre des freins aux activités hors site et de mieux comprendre pourquoi les acteurs ont du mal à franchir le pas et à produire davantage de cette façon. Certaines idées vont désormais pouvoir germer et, peut-être, générer des projets collaboratifs à l’échelle de la Grande Région, voire de l’Europe». Avec, comme objectif, la valorisation du hors-site comme complément à la construction traditionnelle, au service de la décarbonation, et comme vecteur de transformation pour les entreprises vers une industrialisation.
Agir sur tous les plans
Mais le chemin est encore long. Souvent par facilité et gain de temps (et donc d’argent), ingénieurs et architectes s’appuient sur des procédures automatisées en matière de cahier des charges et d’établissement des bordereaux. Les base de données ont été créés sur le temps long, en collectant les expériences de terrains et en capitalisant sur les projets réalisés par les bureaux d’études, repartir d’une feuille presque blanche semble long et risqué. «Il y a une vraie démarche de sensibilisation à mener pour inciter les prescripteurs à revoir l’élaboration de ces documents et à y intégrer cette dimension hors-site. Ceux qui le font déjà ne le regrettent pas.»
Sur le plan législatif, nombreux sont les points d’amélioration possibles en matière de documentations, de normes, de processus. Une part belle est encore réservée aux matériaux classiques, alors que les matériaux biosourcés, comme le bois, sont très prisé dans les approches hors-site, et pas toujours considérés à leur juste valeur. Sans compter que les définitions du hors-site varient d’un pays à l’autre, rendant difficile une approche commune.
Une première étude a été lancée par Luxinnovation sur l’état de l’art des règlementations dans la Grande Région en lien avec le hors-site. Il en est ressorti, d’une part, le constat d’un manque de culture collaborative (fragmentation des acteurs, résistance au changement, outils digitaux non interopérables) et, d’autre part, une chaîne de valeur éclatée, au long de laquelle les acteurs ne sont pas mobilisés dès les premières phases du projet.
Il y a de l’inspiration à aller chercher dans des secteurs où la collaboration est solide et fonctionne bien. Alexandre Folmer, Grand Est Développement
CAP Construction (le cluster wallon rassemblant l'ensemble des acteurs de la construction durable), avec le soutien de Luxinnovation, mène actuellement une seconde étude ciblant spécifiquement les pratiques de collaboration.
Organiser un réseau
L’atelier d’idéation du mois de novembre a permis d’identifier quelques pistes de réflexion destinées à être creusées, comme la mise en place d’un projet hors site pilote à proximité du lieu de construction ; le développement d’un outil pour dimensionner les structures selon les matériaux, afin d'éviter un surdimensionnement et de limiter les coûts supplémentaires ou encore l’organisation d’un réseau professionnel pour le secteur hors site.
«Intégrer le hors-site dès la commande du projet, avec des objectifs clairs et partagés et favoriser les outils comme le BIM et les plateformes collaboratives pour fluidifier les échanges sont d’autres pistes pertinentes», note Alexandre Folmer, Chef de projet Greater Green+ au sein de l’agence régional française Grand Est Développement. «Il y a de l’inspiration à aller chercher dans des secteurs où la collaboration est solide et fonctionne bien, mais aussi dans des modèles étrangers ou le hors site est déjà bien intégré et où la gouvernance collaborative est un facteur de succès.»
Autant de sujets qui serviront de support à la seconde partie de cet atelier d’idéation, programmé pour le 10 décembre dans les locaux de la Chambre de commerce, et qui réunira de nouveau autour de la table des professionnels du secteur.