Financement des deeptech : des opportunités à saisir

Plus que jamais, les fonds de capital-risque, le soutien public et les partenariats industriels joueront un rôle clé dans la dynamique des deeptech, chaque acteur apportant une perspective unique.

Matteo Elli (Pariters Partners) et Diego De Biasio (Technoport)Les deeptech, ces technologies de pointe qui repoussent les limites de l’invention et l'innovation, sont au cœur de la transformation digitale et scientifique actuelle. Leur valorisation, et par conséquence financement, est crucial pour accélérer le déploiement, souvent disruptif, de ces solutions. Le contexte et paysage de financement de ces entreprises  deeptech est en pleine mutation, offrant de nouvelles opportunités aux entrepreneurs et aux investisseurs. 

En soi, le concept de deeptech n’est ni nouveau, ni révolutionnaire. «Comme nous l’avons vu lors du panel c’est davantage un buzzword, un rebranding de ce qui constituait auparavant des projets d’ingénierie issus pour la plupart de la recherche publique», estime Diego De Biasio, CEO du Technoport et organisateur au Luxembourg du Deeptech Venture Summit, créé en 2024, dont la prochaine édition se tiendra du 17-18 septembre 2026.

En entrant dans la phase initiale, un investisseur peut envoyer un signal intéressant au marché. Diego De Biasio, Technoport

Bien que présent dans son ADN depuis sa création en 1998, l’incubateur historique luxembourgeois a pris le parti de se focaliser sur cette thématique de façon plus explicite en 2019 en œuvrant pour le développement et le renforcement de liens structurels avec les centres de recherche publics et les universités. Un travail de longue haleine toujours en cours, mais qui prend une importance tout autre avec l’accélération des développements technologiques et les profonds bouleversements géopolitiques qui ont propulsé les thématiques liées à la défense en haut de l’affiche.

À la croisée des chemins

«C’est vrai que le secteur militaire a toujours été un grand fournisseur de technologies innovantes, voir révolutionnaires. Mais il n’est pas le seul. Le secteur des sciences de la vie ou encore le spatial le sont aussi.  Aujourd’hui il y a l’IA et le quantique qui vont apporter les prochaines grosses vagues d’innovation. Si on revient au militaire ce qui est intéressant c’est qu’il ne s’agit pas que de recherche et développement mais d’ «achat». Ce secteur cherche des solutions fonctionnelles et applicables sur le terrain à court terme. Le défi du coup pour les entreprises innovantes c’est d’intégrer la chaine de valeur au bon endroit.»

À la croisée des chemins entre matériel, logiciel, robotique et intelligence artificielle, le domaine ne manque pas d'intérêt. «Je trouve extrêmement fascinant comment ces technologies peuvent transformer le monde, en particulier à travers les chaînes d'approvisionnement. Au cours des dix prochaines années, je vois des applications concrètes, des systèmes autonomes et robotiques à l'optimisation des réseaux critiques grâce à l'IA, apportant une valeur économique évolutive tout en allégeant la pression sur les chaînes d'approvisionnement mondiale. C’est un enjeu géopolitique de longue date», a commenté Antonio De Sensi, responsable financier chez Amazon, lors d'un des panels organisés dans le cadre des Luxembourg Venture Days en octobre dernier.

Fort d'une expérience en stratégie d'investissement, gestion de portefeuille et innovation durable dans le deeptech, il est un observateur attentif des développements de ces dernières années. «Historiquement, les défis de la défense et de la sécurité ont agi comme des catalyseurs pour l'innovation technologique, avec des développements qui trouvent ensuite de larges applications commerciales au-delà de leur champ d'action initial. Cette dynamique continue de stimuler de nouveaux projets qui répondent aux besoins réels du marché et soutiennent la création de valeur économique durable.»

Un impact mondial à considérer

Entre innovation et deeptech, la nuance est subtile, comme le rappelle Yvan-Michel Ehkirch, Managing Partner du fonds d’investissement Karista. «L’innovation va répondre à une problématique en apportant quelque chose de nouveau. Avec les deeptech, il est davantage question de progrès, de vision, de la façon dont on va construire la société dans les 30-50 prochaines années et l’impact global de tous ces nouveaux développements, tout en offrant une opportunité pour les fonds de capital-risque d'investir dans des entreprises qui ouvriront de nouveaux marchés et généreront des revenus significatifs à l'échelle d'un fonds.»

L’impact énergétique des gros datacenters qui poussent comme des champignons n’est pas anodin. Dans une récente question parlementaire, les députés luxembourgeois socialistes Franz Fayot, George Engel et Ben Polidori ont rappelé que l’empreinte carbone des centres de données ont triplé entre 2018 et 2024 et que ces datacenters représentaient en 2024 environ 1,5% de la consommation mondiale d'électricité. «Ces thématiques sont essentielles quand on doit envisager l’adoption à grande échelle de ces innovations technologiques. . Ce qui va arriver dans les prochaines années va changer le paysage à plusieurs niveaux», prédit M. De Biasio. 

Avec les deeptech, il est davantage question de progrès, de vision, de la façon dont on va construire la société dans les 30-50 prochaines années. Yvan-Michel Ehkirch, Karista

La qualification des projets deeptech susceptibles d’être soutenus constitue un autre élément-clé dans les processus de financements. Car bien souvent, les retours sur investissements attendus ne sont pas nécessairement rapides, ce qui n’encourage pas forcément les investisseurs à franchir le pas, hormis quelques fonds ouvertement spécialisés dans cette niche. «Il existe des modèles intéressants à l’étranger, surtout pour les phases très en amont du processus, qu’on appelle pre-seed ou seed», observe Diego De Biasio. 

Un équilibre à trouver entre humains et automatisation

Surtout que les évolutions technologiques s’enchaînent à une vitesse folle et que la vérité du jour ne sera peut-être plus celle qui aura cours dans six mois. Encore moins avec le développement de certains modèles robotiques basés sur l’acquisition, la gestion et le traitement d’une quantité de plus en plus élevée de données.

«C’est probablement la première fois dans l’histoire de l’humanité que l’on vit une telle expérimentation sociale liée à la collecte de données privées et publiques», note Matteo Elli, fondateur et Managing Partner de la société d’investissement italienne Pariter Partners spécialisée dans les deep-tech early-stage et les transferts technologiques, avec un focus sur la robotique et l'automatisation. «Dans quelques années, il y a un risque que les êtres humains soient mis à l’écart de certains processus. C’est probablement un sujet-clé et il est important de veiller à équilibrer l'automatisation dans l'interaction humaine.»

Plus que jamais, les fonds de capital-risque, les soutiens publics et les partenariats industriels joueront un rôle clé dans la dynamique des deeptech, chaque acteour apportant une perspective unique. «En s’engageant en phase early stage, un investisseur peut envoyer un signal intéressant à destination du marché: ‘cette technologie, on y croît et ça vaut la peine de s’y engager’. On note ces derniers temps de nouveaux flux de capitaux avec de plus en plus d'initiatives d'entreprise, de programmes souverains ou de fonds. Mais il reste encore des attentes élevées en termes d’efficacité du capital alors que nous sommes sur des cycles technologiques plus longs que dans le cas des financements traditionnels des startups».

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