The innovation potential of artificial intelligence is vast – but so are the challenges. We spoke to the University of Luxembourg Rector about AI adoption.
Lena Mårtensson
L’intelligence artificielle (IA) évolue à une vitesse fulgurante, suscitant à la fois enthousiasme et inquiétude. De la médecine à la démocratie, son impact est profond. Jens Kreisel, recteur de l’Université du Luxembourg, offre une perspective nuancée sur la manière dont l’IA façonne – et remet en question – notre monde.
Il ne fait aucun doute que l’IA est le mot à la mode aujourd’hui, et nombreux sont ceux qui tentent de surfer sur cette vague. Pour illustrer la façon dont l’utilisation excessive a dilué le terme, le professeur Kreisel montre une publicité pour une brosse à dents qui prétend être pilotée par l’IA. «Pour moi, c’est la définition même d’un buzz», remarque-t-il. Cet exemple souligne l’adoption généralisée – et parfois la banalisation – du terme IA, ce qui rend plus difficile de distinguer les véritables avancées des gadgets marketing.
Aujourd’hui, nous observons une forte démocratisation de l’IA, qui donne du pouvoir aux individus et aux organisations.
Jens Kreisel, Université du Luxembourg
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Cette année, les prix Nobel de chimie et de physique ont été décernés à des travaux liés à l’IA, témoignant de l’énorme impact de cette technologie sur les découvertes scientifiques. De plus, l’IA n’est plus réservée à une élite restreinte. «Aujourd’hui, nous observons une forte démocratisation de l’IA, qui donne du pouvoir aux individus et aux organisations. Chaque fois que vous utilisez ChatGPT ou des outils similaires, vous utilisez un superordinateur puissant et vous tirez parti du big data», explique le professeur Kreisel.
L’IA n’est pas une nouveauté. «Elle existe depuis les années 1950, mais elle a longtemps suscité l’intérêt principalement des universitaires. Malgré des progrès significatifs, l’IA n’a pas tenu ses promesses. Ce que l’on appelle l’hiver de l’IA des années 1980 fait même référence à une période de stagnation de la recherche et du développement en IA avec des coupes budgétaires importantes», souligne le professeur Kreisel.
Le bond en avant s’est produit lorsqu’elle s’est interconnectée avec deux autres technologies: le calcul haute performance (HPC), basé sur des machines très puissantes capables de résoudre des problèmes de calcul avancés, et l’essor de la science du big data, visant à extraire des informations significatives des données par le biais du traitement et de l’analyse.
Leur convergence a permis d’entraîner des algorithmes d’apprentissage automatique sur des ensembles de données beaucoup plus volumineux, ce qui leur a permis d’apprendre des modèles plus complexes et de faire des prévisions plus précises. Cela a conduit au développement de nouveaux algorithmes d’apprentissage automatique, tels que l’apprentissage profond, qui sont capables d’apprendre à partir de quantités massives de données et de faire des prévisions très précises.
«Il y a vingt ans, les acteurs de ces domaines étaient regroupés dans des communautés séparées et n’avaient au mieux que peu de collaborations. Aujourd’hui, ils se rassemblent. Il est impossible de faire de l’IA générative et de l’apprentissage profond sans big data ou puissance de calcul. L’IA, la science des données et le HPC forment ensemble un continuum numérique, qui est devenu un outil essentiel pour la société et l’industrie.»
Pendant longtemps, ce développement a été principalement financé par des fonds publics et développé par des chercheurs d’institutions publiques. La situation s’inverse aujourd’hui: de grands modèles de langage qui sous-tendent de puissantes applications d’IA telles que ChatGPT sont développés par l’industrie.
«Très peu d’universitaires ont vu venir ChatGPT», dit le professeur Kreisel, soulignant la domination du secteur privé dans la dernière liste du Time Magazine des 100 personnes les plus influentes dans le domaine de l’IA. «Il y a 20 ans, presque toutes étaient des chercheurs universitaires. Aujourd’hui, 98 des personnes répertoriées travaillent dans l’industrie.» Ce changement de leadership du secteur public vers le secteur privé souligne une transformation fondamentale de l’innovation en IA, soulevant d’importantes questions sur l’accessibilité et la gouvernance de cette puissante technologie.
En revanche, l’énorme potentiel d’innovation collaborative est présent. «Geoffrey Hinton, l’un des lauréats du prix Nobel de physique, travaille à temps partiel à l’Université de Toronto et à temps partiel chez Google Brain. Demis Hassabis, lauréat du prix Nobel de chimie, est le PDG de Google DeepMind. Une grande partie de l’IA repose sur des partenariats public-privé.»
Selon le professeur Kreisel, la véritable valeur ajoutée de l’IA réside dans son caractère de technologie-clé qui favorise la recherche interdisciplinaire et l’innovation intersectorielle. «La plupart des problèmes sociétaux – l’impact de l’environnement sur notre santé, par exemple – ne peuvent pas être résolus par des disciplines isolées, mais nécessitent des approches interdisciplinaires. À l’Université du Luxembourg, nous avons constaté que les données, l’IA ou le calcul haute performance sont au cœur de 80% de nos projets de recherche interdisciplinaires. L’IA est un moteur de l’interdisciplinarité!»
La combinaison de l’IA et des sciences de la vie sera incroyablement puissante.
Jens Kreisel, Université du Luxembourg
Cette technologie-clé peut être utilisée dans pratiquement tous les domaines: la finance, le droit, l’industrie manufacturière, la cybersécurité et bien d’autres. Mais la plus grande vague à venir concerne les sciences de la vie et la biotechnologie. «La combinaison de l’IA et des sciences de la vie sera incroyablement puissante, de la découverte scientifique en médecine aux innovations dans le domaine de la santé.»
Si les possibilités d’innovation liées à l’IA semblent illimitées, il faut également tenir compte des conséquences négatives. «Les coûts environnementaux sont importants», souligne le professeur Kreisel. «Les processus de traitement des données de notre monde numérique sont très énergivores et représentent, selon les estimations, 2,5% des émissions mondiales de CO2. Ce chiffre devrait augmenter considérablement au cours des dix prochaines années.» Les besoins énergétiques de l’IA nécessitent des innovations urgentes en matière d’efficacité, telles que des centres de données plus écologiques, des puces informatiques optimisées ou une conception d’algorithmes plus efficace.
Les cyberattaques alimentées par l’IA constituent également un risque majeur. Pour le professeur Kreisel, cependant, le plus grand danger est lié à la démocratie. «La prolifération de fausses informations telles que les deep fakes, très difficiles à identifier, est un véritable problème. Les fausses informations ont toujours existé, mais le facteur perturbateur aujourd’hui est leur propagation rapide, leur omniprésence dans les médias sociaux et la force motrice commerciale qui les sous-tend. Nous devons prendre cette menace pour notre démocratie au sérieux.»
Je n’ai pas peur que l’IA prenne le contrôle du monde – du moins pas encore. Mais les technologies transformatrices telles que l’IA nécessitent une attention et une prévoyance exceptionnelles.
Jens Kreisel, Université du Luxembourg
La question de savoir si nous assistons déjà ou non à l'émergence d'une intelligence semblable à celle des humains fait débat. «Les neuroscientifiques pensent que la connexion de notre cerveau à un corps nous donne un indice pour comprendre la conscience, qui est l’une des spécificités des humains par rapport à un ordinateur. Nous pouvons ressentir des choses comme l’amour, la faim, la jalousie ou la douleur. Nous sommes également experts dans la contextualisation des informations et leur mise en contexte technologique, social, culturel ou moral pour évaluer les conséquences potentielles à court ou à long terme. Je n’ai pas peur que l’IA prenne le contrôle du monde – du moins pas encore. Mais comme l’a déclaré le lauréat du prix Nobel Demis Hassabis, les technologies transformatrices telles que l’IA nécessitent une attention et une prévoyance exceptionnelles.»
En équilibrant innovation et prudence, tous les secteurs, industries et organisations peuvent bénéficier de l’IA. Le professeur Kreisel conseille toujours aux organisations de ne pas s’attendre à ce que la mise en œuvre de l’intelligence artificielle soit une solution rapide ou miraculeuse.
Partageant quelques leçons tirées de l’Université du Luxembourg, il souligne les points suivants:
L’intelligence artificielle est une technologie qui recèle de grandes promesses et qui permettra d’innover à une échelle sans précédent. Selon le professeur Kreisel, le défi consiste à gérer de manière responsable les opportunités et les risques qu’elle présente.
