Lors de la conférence GrenTech Summit, fin septembre, une table ronde d’experts a permis de passer en revue les défis et solutions greentech au niveau de la Grande-Région.
Avec le soutien de l'Union européenne au travers du FEDER, par le programme Interreg Grande Région 2021-2027, le projet européen Greater Green+ a pour ambition de faire de ce territoire un leader de la transition écologique au service de l’économie circulaire et du développement durable. Son lancement officiel a été porté par la conférence GreenTech Solutions Summit, organisée le 26 septembre dernier au Luxembourg.
«Ce projet Greater Green+ va contribuer à la dynamique de la transition énergétique, en mettant aussi l'accent sur la qualité au niveau de l'ensemble de la chaîne de valeur, pour s'assurer que tout fonctionne bien», a indiqué Fenn Faber, le directeur de Klima-Agence G.I.E au Luxembourg.
Il le voit également comme une source d’alimentation complémentaire pour l'initiative Klimapakt fir Betriber, qui soutient les entreprises en matière de décarbonation et de transition énergétique à travers une approche structurée et coordonnée facilitant le recours aux différents initiatives, programmes, accompagnements et aides financières. M. Faber s’attend ainsi à ce que «la mise à disposition des expertises soit facilitée».
L’innovation constitue évidemment un des piliers permettant d’accélérer la transition écologique et la résilience économique par le développement de technologies plus vertes. Mais elle ne s’improvise pas pour autant. «Il s’agit d’un travail de longue haleine qui ne va pas de soi. Il est essentiel de faire en sorte que le dialogue se mette en place et que les mondes se croisent et se comprennent: il faut que l’entreprise comprenne le discours scientifique du chercheur et que le chercheur comprenne les besoins de l’entreprise», a prévenu Francoise Scheepers, Marketing & Communication Manager du pôle GreenWin.
Ce projet GreaterGreen+ va mettre l'accent sur la qualité au niveau de l'ensemble de la chaîne de valeur. Fenn Faber, Klima-Agence
Ainsi, tout projet soumis à ce pôle de compétitivité wallon dédié à la transition industrielle et environnementale doit obligatoirement comporter une analyse de cycle de vie. «Il ne faut pas tomber dans le piège de la temporalité: nous savons que nous plantons aujourd’hui des arbres que nous ne verrons pas devenir adultes. L’urgence nous ferait parfois nous cogner la tête contre le mur: il convient de ne pas s’engouffrer dans de fausses bonnes solutions», a estimé Mme Scheppers.
Cette prudence indispensable dans un contexte économique général où vitesse peut facilement être confondue avec précipitation, a également été mise en avant par Jérôme Sterpenich, Enseignant chercheur à l'Université de Lorraine et directeur de l’Institut Carnot Icéel, acteur majeur de la recherche publique en région Grand Est (France), qui rassemble 28 composantes de recherche (laboratoires, centres de ressources technologiques, centres techniques industriels…) qui mettent leur expertise et leur savoir-faire au service de l’innovation des entreprises.
«Attention aux fausses bonnes idées en matière de transition écologique», a-t-il expliqué. «Il ne faut pas croire que toute solution de décarbonation est bonne, sans avoir en même temps une vue sur les impacts environnementaux futurs. Cela nécessité une analyse plus poussée.»
Cela demande également un esprit de collaboration et de coopération sans pareil. Une dimension qui a servi de fil rouge tout au long des débats, dans le contexte d’une Grande Région propice à cette approche collective. «Greater Green + va nous permettre de travailler tous ensemble pour des projets ambitieux», est persuadé Françoise Scheepers. «Il ne s’agira pas uniquement de limiter les impacts négatifs, mais bel et bien de miser sur des processus vertueux ayant des retombées positives sur l’ensemble des chaînes de valeur à l’échelle de la Grande Région».
«Le sujet de coopération transfrontière est important, car nous sommes tous confrontés à des défis communs», a rappelé pour sa part Karl Keilen, président du Conseil d’administration du réseau Ecoliance Rheinland-Pfalz, une association de dirigeants de premier plan de l'industrie des technologies environnementales de ce Land allemand. «L’un de ces défis consiste dans le maintien des richesses et bien-être. L’ancien président de la Banque centrale européenne Mario Draghi avait déjà mis l’accent dessus en son temps».
Il ne faut pas s’engouffrer dans des fausses bonnes solutions. Francoise Scheepers, GreenWin
Même si la référence «historique» est importante, il convient cependant de regarder vers l’avant. «L’innovation s'accompagne d'une destruction créatrice, comme l’a modélisé Schumpeter», a rappelé M. Keilen. «Nous le voyons aujourd’hui dans l’industrie automobile. Il s’agit de faire avancer l’innovation, ne pas être trop tourné vers le passé et éviter de prendre du retard. Sinon, d’autres occuperont le terrain à notre place. Il faut créer de la valeur et de l'emploi sur la région. Nous avons besoin de cette région, car l'innovation a besoin d'un marché.»
Sur ce marché, des acteurs internationaux tirent déjà leur épingle du jeu. C’est le cas, par exemple, du groupe Veolia qui conçoit et déploie des solutions pour la gestion de l’eau, des déchets et de l’énergie. Il est présent depuis plus de 40 ans au Luxembourg où il est plus spécifiquement actif sur le volet «énergie». Il y emploie plus de 450 personnes. «Nous travaillons au niveau mondial sous forme de communautés par thèmes au sein du groupe, afin de proposer des innovations et de solutions qui peuvent ensuite être déployées en local», a expliqué Sébastien Vaugenot, directeur général de Veolia Luxembourg. «Nous avons, par exemple, mis en place une solution d’internet des objets et IA développée par nos collègues italiens, pour anticiper les prévisions météo et réguler les besoins en chaud et froid des bâtiments. Cela permet des réductions significatives en termes de consommation énergétique et d’empreinte carbone des bâtiments.»
Il faut créer de la valeur et de l'emploi sur la région. Karl Keilen, Ecoliance
Comme l’a rappelée Francoise Scheepers, la Grande Région est une réalité autant géologique qu’historique avec des ressources et des enjeux similaires pour lesquels l’innovation collaborative est essentielle. «La création d’une plateforme dédiée aux greentechs dans le cadre de ce projet Greater Green +, va permettre de rendre plus transparente les ressources disponibles sur le territoire, sachant que les différentes régions disposent de prestataires, mais souffrent aussi de lacunes».
D’où l’importance de «jouer collectif», comme l’a rappelé Jérôme Sterpenich, conscient que bon nombre d’entreprises n’ont pas toujours idée des capacités d’innovation que possèdent les laboratoires de recherche et de tout ce qu'ils peuvent leur apporter. «Globalement, nous avons des problématiques à résoudre ensemble et non pas de façon concurrente. Nous devons jouer les complémentarités sur nos capacités à résoudre les problèmes et ne pas avoir l’obsession des KPIs.»